dimanche 11 mai 2014

Interview sur Charlotte Casiraghi dans Point de Vue


Je suis retombée sur des archives enfouies dans mon disque dur. Dont cette interview que l'entraîneur de Charlotte, Thierry Rozier, a donnée au magazine Point de Vue en 2010. Ca date un peu mais je suis sûre que pour certains d'entre vous elle se révèlera inédite :) 
Bonne lecture !  


Depuis combien de temps entraînez-vous Charlotte Casiraghi ?
Je la connais depuis ses 14 ans. Au début, elle est arrivée chez moi avec Tempête, une petite ponette très mignonne, avec un excellent caractère contrairement à ce que laissait présager son nom. Charlotte s’est beaucoup amusée avec elle et comme tout se passait bien, nous nous sommes lancés dans la compétition Junior. A 16 ans, ce n’est pas simple parce qu’une jeune fille a des contraintes. Il fallait étudier. Comme elle est à 200% perfectionniste, cela l’absorbait beaucoup.  
Elle semble très consciencieuse…
Charlotte est très exigeante envers elle-même dans tout ce qu’elle entreprend : études, sport, métier. Elle craint toujours de ne pas en faire assez. Parfois je la voyais arriver, certaine qu’elle avait raté un devoir ou un examen. Je savais qu’en réalité elle avait fait des étincelles. Trois semaines plus tard, elle me donnait sa note et c’était évidemment formidable.
Pomeline-Fizz
Pendant son adolescence, quelle place tenait le cheval dans sa vie ?
Elle s’entraînait le mercredi, mais nous nous retrouvions surtout au moment des compétitions ce qui limitait les possibles. Après le bac, je l’ai vu de moins en moins jusqu’au moment où ses études l’ont contrainte à quitter le milieu du cheval. C’est une jeune femme brillante qui a fait une hypokhâgne et une khâgne. L’équitation est un sport à risque, difficilement compatible, lorsque l’on fait des compétitions, avec des études aussi prenantes. Surtout avec la pression qui pèse sur Charlotte. 
A quelle pression pensez-vous ?
Celle des médias. Je la comprends… A un niveau différent, j’ai ressenti cette pression. Parce que je suis le fils et le frère de très grands cavaliers. Dans le monde du cheval, le nom Rozier veut dire quelque chose et lorsque j’étais gamin, cela me torturait. J’avais peur de ne pas être à la hauteur… Alors imaginez ce que cela représente pour Charlotte ! 
Quand est-elle revenue à l’équitation ?
Je crois qu’elle n’a jamais cessé d’y penser. Après sa khâgne, elle est partie à Londres. De temps en temps, elle m’appelait pour que je l’aide à lui trouver un entraîneur là-bas. Je connais de nombreux professionnels avec qui elle était en contact, mais c’était encore très compliqué pour elle à l’époque. Enfin, il y a trois ans, j’ai reçu un coup de fil. Elle m’a dit : « Thierry, on repart ! ». Je lui ai demandé ce qu’elle voulait faire exactement, un concours de temps en temps ou plus. Elle m’a dit : « du vraiment sérieux ». 

Il faut quoi pour se lancer dans « du vraiment sérieux » ?
D’abord des chevaux ! Nous n’en avions pas. Il faut aussi pouvoir rentrer dans le circuit de concours très exclusifs. Il y a deux niveaux, celui réservé aux trente meilleurs cavaliers du monde avec quelques exceptions pour des sponsors et le très haut niveau ouvert aux amateurs. Nous avons décidé de commencer par là. Je me suis rapproché de Jan Tops (le mari d’Edwina Tops-Alexander), l’organisateur des Global Champion Tour qui lui a ouvert l’accès de ce championnat. Il lui a aussi prêté un premier cheval : GI Joe, un nom parfait pour repartir au combat ! Le premier concours a eu lieu en Espagne à Valence. Charlotte est rentrée enthousiaste, après avoir rencontré des gens extraordinaires, des professionnels. Ils l’ont considérée comme Charlotte, point. Pas comme une princesse, pas comme une Casiraghi. Elle a pu être elle-même : c’était parti.


Et sa participation au Gucci Masters ?
Virginie Couperie, avec qui je suis très ami et qui est l’ambassadrice du Gucci Masters, rêvait que Charlotte participe au concours. Gucci est, en outre, le sponsor de Charlotte. 

A-t-elle des chevaux à présent ?
Oui. Troy et Tintero. Ils ont 10 et 11 ans, de l’expérience, un bon mental. Troy et Tintero sont parfaits pour quelqu’un qui n’est pas un professionnel du cheval. Ils ne se laissent pas impressionner. Ils savent pardonner les petites erreurs, ils sont généreux et acceptent la pression que ressent un cavalier amateur, quel que soit son talent, lorsqu’il est en compétition avec les meilleurs du monde. 

Comment les avez-vous trouvés ?
Avec Jan Tops. Nous avons essayé de nombreux chevaux tous les deux avant de les montrer à Charlotte. C’est son instinct qui a ensuite primé. Elle en a refusé certains et choisi ces deux-là. Plus nous travaillons, plus son envie de gagner et sa confiance grandissent.
Pomeline-Fizz
Qui s’occupe de ses chevaux ?
Un groom s’en occupe et les accompagne pour les concours qui impliquent de nombreux déplacements. Je m’occupe aussi de la logistique. J’aime beaucoup l’accompagner, être au paddock, regarder les meilleurs. Nous étions à Bruxelles la semaine derrière, ce week-end à Paris, puis nous partons pour Genève. Nous avons aussi passé une semaine à Rio pour une compétition organisée par Athina Onassis. 

Quelle comparaison faites-vous entre ces deux cavalières ?
Elles sont très différentes. Athina ne vit que pour le cheval depuis des années. Elle n’a jamais été tentée par autre chose. Son mari aussi est un grand professionnel. Ils partagent une même passion pour ce métier. 

Les chevaux actuels de Charlotte peuvent-ils l’emmener loin ?
Ils peuvent aller déjà à un certain niveau et tourner ensemble pendant trois bonnes années avant que leur âge ne pose problème. 

A-t-elle un cheval favori ?
Non. Elle est très à l’aise sur les deux qui n’ont rien à voir. Je trouvais important qu’elle ne soit pas dépendante d’un type de monture, d’où la nécessité d’avoir deux expériences très distinctes. Charlotte peut monter un cheval chaud comme un cheval à qui il faut, au contraire, donner de l’impulsion.




Quelle cavalière est-elle ?
Quand elle a repris l’équitation, elle avait oublié beaucoup de choses. C’est normal. En deux ans, Charlotte a fait des progrès spectaculaires. Elle travaille beaucoup. Elle monte trois à quatre heures quasi quotidiennement. Une fois par semaine, elle travaille aussi le dressage avec un professeur. C’est important d’être impeccable sur le plat également. A part moi, Jan Tops l’aide pendant les concours, ainsi que mon frère. Nous somme toute une petite équipe autour d’elle. Nous avons envie de l’emmener le plus haut possible.
Pomeline-Fizz
C’est quoi le plus haut ? Les J.O. ?
Bien sûr ! Jusqu’à présent, elle était très timide. Elle n’arrivait pas à dire ces mots-là. Je la force. Je lui dis de ne pas avoir peur. Rien ne l’empêche d’y rêver et de le vouloir. Il faut qu’elle ait cette ambition-là. D’abord parce qu’elle a les qualités sportives pour y arriver, ensuite parce qu’elle a la chance d’être monégasque, donc d’avoir moins de compétition pour être sélectionnées. C’est une chance qu’il faut saisir, mais cette opportunité n’en sera vraiment une que si elle est prête. Nous allons tout faire pour. Nous ne visons pas les jeux de demain, mais peut-être les suivants. Elle est très jeune. 24 ans. L’équitation est un sport d’expérience, mais je veux qu’elle ait cet objectif dans la tête. Maintenant elle arrive à y penser, et même à le dire. Avant elle ne pouvait pas sortir cette phrase de sa bouche. C’est un grand pas. 

Vous la forcez à voir loin…
L’une des grandes qualités de Charlotte, c’est qu’elle fait confiance à son équipe. Elle est très sollicitée, mais elle nous reste fidèle, ce qui nous donne envie de faire le maximum. 

Vous avez mentionné la pression qui pèse sur elle. Cette pression s’exerce-t-elle aussi sur vous ? L’entraînez-vous différemment des autres ?
Je ne change rien. Elle se fait engueuler comme n’importe quel autre cavalier et elle l’accepte. Quand elle a mal monté, je lui dis. C’est indispensable pour avancer. Parfois c’est dur. Elle proteste. Nous avons tous protesté un jour, mais nous n’avons pas le choix. Oui, il aura des gamelles, des fautes, mais il faut transformer les chutes, les éliminations, les erreurs. Il faut analyser pour apprendre, rester positive. Même Schumacher peut se retrouver dans les gravillons au premier virage. Pourquoi Charlotte Casiraghi, n’aurai-t-elle pas le droit de tomber parfois, puisque tout le monde tombe ? Elle ne se reconnaît pas ce droit – le droit à l’erreur – j’essaie de lui enlever ces freins. Parfois elle est éblouissante à l’entraînement et en concours elle perd un peu ses moyens. Le public, son entourage… C’est une barre en plus au-dessus de l’obstacle. 
Pomeline-Fizz 

Sa mère, qui est cavalière aussi, suit-elle de près la carrière hippique de Charlotte ?
Complètement. Ce week-end par exemple, elle a sauté dans un avion pour venir voir sa fille. D’autant que Charlotte a conçu de A à Z l’épreuve « Style & Compétition » dont les bénéfices iront à la fondation de sa maman, l’Amade. Le jury est présidé par Jean Rochefort. Le public vote à l’applaudimètre. C’est génial. Charlotte avait déjà organisé le concours de Monaco et sa mère lui a demandé de gérer cette épreuve pour le Gucci masters à sa place, ce que Charlotte a fait avec beaucoup de cœur.
Pomeline-Fizz
Avez-vous aussi entraîné la princesse Caroline ?
Quand la famille s’est installée dans ma région, la princesse cherchait une écurie pour mettre ses chevaux. C’est de cette façon que je l’ai rencontrée… Pierre et Andrea aiment beaucoup l’équitation aussi, sans avoir envie de faire de la compétition pour autant.
Pomeline-Fizz
Vous semblez beaucoup apprécier la famille…
J’ai beaucoup de chance qu’ils montent chez moi. Ce sont des gens simples et humains. Il n’y a pas de cinéma entre nous. Je suis conscient que c’est un privilège de les connaître.
(Illustration Gucci)